news

La lettre de Terre Burkina
Internet au Faso
Parole d'élève
Le pays des femmes intègres
Grèves !
Une Rencontre


Prochain numéro : 15 juin 2018

Bonjour à toutes et à tous,

Ravi de vous retrouver sous l'Arbre à Palabre !
Terre Burkina grandit et se porte bien. Depuis sa création en 2008 et le début des parrainages en 2010, de nombreuses étapes ont jalonné notre parcours mais c'est assurément celle-ci la plus importante.
Nous avons fait peau neuve pour la rentrée cette année avec un nouveau logo, un nouveau site internet, de nouveaux dépliants, un nouvel espace Fasoma (Espace privé en ligne sur lequel nos parrains/marraines retrouvent, entre autres, les nouvelles et photos de leurs filleul.e.s) mais c'est surtout la partie non-visible qui caractérise le plus le changement; une autre organisation sur le terrain, un nouveau logiciel de gestion des parrainages, de nouveaux partenaires... L'idée directrice a été celle-ci: tout se passe bien, les parrainages sont pertinents et efficaces, les résultats plus qu'encourageants, les partenaires locaux nous soutiennent et nous poussent à poursuivre: il faut donc s’agrandir. Toutes ces réflexions et tout ce changement n'a au final qu'un seul objectif : pouvoir accueillir un nombre beaucoup plus important d'élèves en conservant l'idée que chaque parrainage doit être unique et personnalisé. Les tournées mensuelles à la rencontres des élèves constituent l’élément majeur qui permet cette personnalisation et elles seront conservées. Nous sommes désormais en mesure de permettre la scolarisation d'un grand nombre d'enfants. Nous développons ainsi une communication en conséquence et recherchons des ambassadeurs.drices partout en France pour nous aider à rechercher des parrains/marraines. Le pari est lancé, nous y arriverons.

C'est donc un plaisir de renouer avec cette newsletter, dans ce numéro nous parlerons d'internet au Burkina et de l'investissement colossal de la firme "Orange" mais aussi des grèves qui ont secoué le pays depuis la rentrée scolaire. Nous laisserons la parole à l'une des élèves parrainées sur un sujet de son choix et écouterons Monsieur NANA Emmanuel, gestionnaire dans une inspection scolaire interviewé pour ce numéro.

Bien sûr, ce n'est pas pour rien que nous sortons ce premier numéro le 8 mars, journée internationale des droits de la Femme...

Allez, un peu de lecture, on se pose ensemble à l'ombre de notre bel arbre à palabre.

Anthony.

5aa05603967bf_IMG_14254972447449.jpeg

Internet au Faso

Internet a déferlé "récemment" au Burkina Faso, officiellement depuis 1996, mais cela fait une petite dizaine d'années que les citadins peuvent réellement se connecter au reste du monde depuis des cybers-cafés que l'on trouve assez aisément dans les centres des plus grandes villes. Les débits sont faibles et le matériel est souvent obsolète mais ces obstacles seront levés rapidement, internet s'est implanté solidement et durablement.
L'attrait et l’intérêt des Burkinabè pour le web sont grandissants et notamment dans le milieu scolaire. Internet est devenu fondamental très rapidement pour les études supérieures, dans les collèges et les lycées de plus en plus de projets ''salles informatique" voient le jour et les TICE (Technologies de l’Information et de la Communication pour l'Enseignement) ont officiellement fait leur entrée dans les programmes scolaires. L'arrivée de l'internet mobile a décuplé l'accès aux populations les plus reculées. Il n'est plus rare de rencontrer des smartphones pleinement connectés en 3G dans des villages très éloignés. Bien sûr, le coût des "unités" et des téléphones haut de gamme nécessairement associés restent un frein significatif mais cela a eu une première conséquence: le boom des réseaux sociaux. 

Nombre de jeunes (et moins jeunes) burkinabè sont désormais bien présents sur les réseaux sociaux. L'organisation de manifestations dans les rues et l'émergence de mouvements citoyens lors du soulèvement populaire de 2014 ont été permis notamment grâce à l'utilisation massive des réseaux sociaux.

Au Burkina Faso, les télécommunications ont toujours été d'une importance extrême : deux exemples parmi beaucoup d'autres, passé et présent:

- les radios: depuis fort longtemps, on trouve des radios dans tous les villages. Ce fut jadis le seul moyen d'être informé des événements importants : tenues, dates et conditions des campagnes de vaccination, admissions aux concours de la fonction publique, nouvelles directives du gouvernements (sous Sankara notamment), etc.

- le phone banking: beaucoup plus récemment, la nécessité des transferts de fonds (commerce, envoi vers la famille, etc.) a développé cette pratique. Il s'agit de comptes bancaires associés à un numéro de téléphone et l'envoi d'argent se fait directement de téléphone à téléphone dans la seconde.

Nous tentons ici de mettre en évidence la complexité d'un débat récurrent. Que penser d'un développement numérique extrêmement rapide dans un pays où nombre de personnes ont encore faim ? Différentes lectures s'appliquent et se confrontent sur ce sujet : l'argent utilisé pour déployer la fibre optique ne serait-il pas mieux employé dans le développement des cultures vivrières, de la santé et de l'éducation ? A l'inverse, faut-il attendre que chaque individu d'une population ait largement dépassé le seuil de pauvreté pour entrer pleinement dans l'aire du numérique nécessaire à une économie moderne ?

Vous l'avez compris, nous pensons qu'il faut œuvrer pleinement pour le développement de ces technologies. Elles sont essentielles à tous niveaux, elles permettent à la fois au pays de ne pas accumuler de retard dans la mondialisation, de tirer vers le haut une élite universitaire, de chercheurs, médecins, ingénieurs, inventeurs ; de permettre à tous d'accéder à l'information locale et mondiale ; de faciliter les échanges commerciaux, pas seulement internationaux mais aussi de petites entreprises locales (phone banking). Mais, à un tout autre niveau, elles sont aussi fondamentales pour les campagnes de sensibilisation, de diffusion de méthodes agro-sylvo-pastorales, pour la coordination des administrations qui améliorent considérablement leur efficience et leurs services aux populations... Etc. Etc. Les exemples sont nombreux. Oui il faut poursuivre cet effort, il n'est pas antinomique au développement, il y est inédiablement associé, les burkinabè l'ont bien compris.

... Et Orange aussi !
Après avoir racheté l'opérateur "Airtel" c'est un investissement faramineux qui est en train d'être effectué au pays. Nous tairons ici les chiffres, ils diffèrent beaucoup trop en fonction des sources, de simples recherches internet vous donneront une idée du monumental montant.
Imaginez les 600 km de tranchées actuellement réalisées pour le compte de cet opérateur pour accueillir fibre et fourreaux de Ouagadougou jusqu'à la frontière Ivoirienne !
Orange promet une connexion fiable et ultra rapide à toute cette partie du pays. Et ce n'est qu'un début, Orange, accompagné d'autres opérateurs, projettent de diffuser la fibre à travers tout le pays, on parle de 2000 à 2500 km de fibre. A faire pâlir de jalousie l'immense partie de nos villes et villages Français ;-)

5aa0560396e1d_DSC_0216.JPG

Parole d'élève
Vous retrouverez cette rubrique à chaque numéro avec un élève différent.

Salimata N., lycéenne en Terminale (le bac cette année, on croise les doigts !) a joué le jeu, on lui a demandé d'écrire un article. Sujet au choix, longueur au choix. Sans correction, ni modification, ni censure.

"La pollution de l'environnement.

La pollution de l'environnement, est-ce une des fatalités du monde moderne ?
Le cri d'alarme lancé par les écologistes du monde entier à propos des risques d'une intoxication irréversible du milieu naturel témoigne de l'urgence d'une lutte concertée contre la pollution.  

Quelles solutions pouvons-nous préconiser pour lutter contre la pollution ?
Quelles peuvent être les conséquences de la pollution de l'environnement ?
Avant tout, qu'est-ce qui est à l'origine de la pollution ? 

Plusieurs raisons sont à l'origine de la pollution. En effet, l'exploitation aveugle des ressources naturelles cause la pollution. Egalement les sciences économiques sont insuffisantes et ne tiennent compte que d'un nombre restreint de données.  En sus, il y a un manque de confrontation entre les différentes perspectives des différentes sciences, à savoir l'économie, la biologie, la technologie. 

Les différentes causes entraînent de multiples répercussions. Les fumées industrielles, les avions à réactions ainsi que les gaz d'échappement sont à l'origine de la pollution de l'air. En plus, la pollution des eaux est provoquée par les déchets toxiques des usines, des détergents et celle thermique résulte du réchauffement des eaux par les centrales, etc. Les bruits des automobiles, les appartements sonores entraînent aussi la pollution acoustique.

Au-delà d'un certain seuil se produisent des catastrophes écologiques et des menaces très graves : en particulier la pollution des océans, à un tel point qu'ils ne pourront plus être la grande réserve nutritive qu'ils sont aujourd'hui. Des dégâts imprévisibles de produisent, comme la destruction de la couche d'ozone qui nous protège des rayons ultra-violets. 

Au regard de ces aspects et pour préserver notre planète, il est nécessaire d'adopter une véritable législation portant sur les activités polluantes. On aurait pu par exemple éviter pour une grande part la pollution de la mer Méditerranée en harmonisant les différentes législations des pays du bassin. Ceci est un problème de droit international. En plus, il faut encourager la vulgarisation de technologies douces : l'énergie solaire, éolienne, géothermique. Ce sont des énergies gratuites et inépuisables mais de ce fait, se prêtent peu à la spéculation. 

Toute industrie doit avoir des dispositifs antipolluants. A cela, l'éducation est primordiale. L'école devra enseigner dès l'enfance le respect de la nature. 

En somme, la pollution n'est pas une fatalité du monde moderne. Elle est la conséquence d'une certaine conception inadéquate de l'activité économique ainsi que d'un cloisonnement trop étroit entre les régions du savoir scientifique."

5aa0588ba15a5_V8anAjHc.jpg

Le pays des femmes intègres

Au Burkina Faso, le 8 mars, journée internationale des droits de la Femme est un jour férié.
Depuis la présidence de Thomas Sankara (du 4 août 1983 au 15 octobre 1987), le pays se distingue par une réelle volonté politique visant à une égalité homme-femme. Certes la condition féminine reste le plus souvent très préoccupante tant en ville qu’à la campagne. Mais rarement un pays ne s’est autant engagé pour lutter contre cette injustice. En 1984 à l’ONU, Thomas Sankara gravait déjà ce paradoxe dans les mémoires : « Je parle au nom des femmes du monde entier qui souffrent d’un système d’exploitation imposé par les « mâles ». Pour ce qui nous concerne, nous sommes prêts à accueillir toutes les suggestions du monde entier nous permettant de parvenir à l’épanouissement total de la femme burkinabè. En retour, nous donnons en partage à tous les pays, l’expérience positive que nous entreprenons avec des femmes désormais présentes à tous les échelons de l’appareil de l’État et de la vie sociale au Burkina Faso. » Cette même année, le 8 mars, il demandait à tous les hommes d’aller au marché et de cuisiner lors de la Journée internationale de la femme, une façon très « Sankariste » de se rendre compte de cette inégalité persistante dans le pays. Le gouvernement burkinabé, avant les derniers remaniements, s’approchait de la parité ; très souvent dans les communes rurales, les villages possèdent un conseiller et une conseillère, la présence des femmes dans tous les pôles décisionnels est désormais chose acquise, etc. L’œuvre de Sankara a porté ses fruits.

Bien sûr, il y a l’autre côté du paradoxe, les faits. Nous ne tenons pas ici à dresser un tableau trop rose de la situation. Nos amis burkinabè « mâles » ne nous en voudront pas, ils savent bien qu’il s’agit là de notre combat quotidien ! La femme doit assumer toutes les tâches ménagères, l’éducation des enfants, elle n’est que très rarement prioritaire pour être scolarisée, peut-être facilement accusée de tous les maux, il existe et persiste encore de trop nombreux cas de maltraitance, d’excision, de grossesse indésirée, de mariage forcé, de remariage…
Mais il y a aussi cette émancipation progressive et continue, presque palpable, l’éducation aidant, qui pousse à croire en un avenir meilleur, inéluctablement meilleur… Les hommes le sentent bien venir ! Les filles vont de plus en plus à l’école et apprennent, découvrent. D’elles émanent des idées nouvelles de changement, de progrès. Bien sûr, le chemin sera long : le point de départ est accablant et l’arrivée encore lointaine. Mais il y a nos amies proches: Clarisse, Awa, Matou, Lucie, Marie-Béatrice, Honorine, Pascaline, Jeanne, Viviane, Bernadette ! Il y a les filles de la maison de Luc ! Et il y a toutes les autres ...

Chères sœurs burkinabè, cette pensée vous est dédiée ! Sans vous pas de « Terre Burkina », sans vous pas de Burkina Faso !   


5aa0588ba18b0_pix_1510826563e100243_1.jpg

Grèves !

Depuis la rentrée scolaire 2017, de nombreuses grèves ont été conduites par les syndicats de l’enseignement.
Nous allons ici brièvement retracer l'agenda de ce début d'année scolaire chaotique.

Depuis le 1er octobre, ce sont 3 ou 4 jours qui sont "chômés" par semaine, le tout souvent accompagné de sittings devant les administrations centrales.

Les revendications sont :
- l'amélioration des conditions de travail (cf interview au bas de ce numéro)
- l'augmentation du nombre de salles de classe
- la fin des "écoles-paillotes" (www.terre-burkina.org/parrainages/systeme-scolaire)
- la réduction des effectifs (parfois autour de 100 élèves par classe avec des pics à 150)
- l'apport de matériel et l'approvisionnement plus rapide des cantines
- la revalorisation de la fonction (augmentation des salaires)

Le 27 janvier 2018, des accords historiques ont été trouvés entre le gouvernement et les syndicats. Les accords sont signés, les syndicats resteront vigilents dans l'attente de leur application.
Pour cette raison, sur les 6 circonscriptions concernées par nos parrainages, aucune composition n'ont été réalisées et aucun bulletin n'a été émis.

5aa0588ba1b78_DSC_0433 (1).JPG

Interview de Monsieur NANA Emmanuel, gestionnaire des ressources humaines, matérielles et financières à l’Inspection scolaire de Poa

Terre Burkina – Bonjour Monsieur Nana, quelle est votre fonction exacte, quel est votre rôle ici, à l’Inspection Scolaire de Poa ? 

Monsieur Nana – Je suis instituteur de formation, j’ai commencé à enseigner et à un moment donné, il y a eu la nécessité de trouver quelqu’un pour s’occuper de la gestion de ressources humaines, matérielles et financières qu’on met à la disposition des CEB [Circonscriptions d’Education de Base]. C’est ainsi qu’on m’a fait confiance et qu’on m’a nommé ici. Ca fait 3 ans que je joue ce rôle ici à Poa.

Pour la gestion du matériel, il y a le matériel que l’Etat met à la disposition des élèves et des enseignants. Il y a un « cartable » minimum qui doit être à disposition, puis qu’ici on parle de gratuité de l’éducation, cela signifie que les manuels et les fournitures doivent être donnés aux élèves, gratuitement. Donc, à travers la mairie, on nous donne ce matériel et mon travail c’est de le mettre à la disposition des écoles. 

Pour la gestion du personnel, je suis chargé de gérer tous les documents administratifs, le versement des indemnités, etc.

TB – D’accord. Qu’est-ce qui selon vous fonctionne bien, dans la circonscription de Poa ? 

M. Nana – Le point fort ici, c’est d’abord la collégialité entre les travailleurs de l’éducation. Il y a une certaine entraide. Quand quelqu’un est absent, les autres peuvent réaliser certaines de ses tâches en son absence, par exemple. Cela permet un bon fonctionnement du service. Les directeurs d’école aussi sont très efficaces, ils traitent le courrier de façon diligente. On constate que globalement il y a un grand esprit de sacrifice. 

TB – Quelles seraient maintenant les difficultés que vous pouvez rencontrer ? 

M. Nana – Les difficultés sont surtout d’ordre matériel, comme vous pouvez le constater [il désigne la pièce autour de lui]. Dans mon bureau c’est parfois même compliqué de respirer, à cause des chauves-souris et de leurs odeurs nauséabondes, on a été obligé d’enlever le faux-plafond ! On se contente du strict minimum… Un autre problème c’est que les CEB n’avaient pas de frais de fonctionnement, cela fait que les gens devaient faire des sacrifices pour certaines dépenses, ils étaient obligés de se débrouiller. Ce n’est que récemment que le gouvernement a décidé d’allouer 2 500 000 F CFA pour le fonctionnement, mais pour l’instant ce n’est pas encore arrivé ! Voilà les difficultés que nous pouvons rencontrer. 

TB – Vous parlez de moyens financiers, voyez-vous d’autres moyens pour pallier certaines difficultés ?

M. Nana – …Les moyens financiers principalement nous aideraient… Prenons par exemple le cas des encadreurs [pédagogiques] qui doivent se rendre dans les écoles, ils n’ont qu’une seule moto de service pour quatre cette année, ça cause d’énormes difficultés…

TB – Effectivement… Combien y a-t-il d’établissements scolaires dans la circonscription ? 

M. Nana – Aujourd’hui, la circonscription compte 37 établissements scolaires, avec plus de 170 enseignants. 

TB – Pour terminer, j’aimerais vous demander votre opinion sur les parrainages de l’association Terre Burkina ? 

M. Nana – Les parrainages peuvent réduire les difficultés des enfants. On parle aujourd’hui beaucoup d’enfants vulnérables, qui ont envie d’aller à l’école et ne peuvent pas. Le soutien du parrain peut aider à soulager ça. Beaucoup d’enfants aujourd’hui ne réussissent pas, non pas parce qu’ils ne sont pas intelligents, mais parce qu’ils sont dans des conditions sociales qui ne sont pas favorables à la réussite scolaire. Un parrainage contribue à soulager cela.