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- La lettre de Terre Burkina
- Parenté à plaisanterie
- Parole d'élève
- Maternité au Burkina

- L'école, et après ?

- Une rencontre 


Prochain numéro le 15 avril 2020

En attendant, retrouvez-nous sur notre Blog et Facebook.

Bonjour à toutes et à tous,

2019 fut une année riche en réussites scolaires de toutes sortes : de nombreux résultats en forte augmentation, des obtentions de concours de la fonction publique, 14 passages sur 16 à la maison de Luc dont 6 baccalauréats. Le travail paye et l’efficacité des parrainages est une nouvelle fois démontrée.
Nos objectifs sont atteints et c'est réjouissant.
Nous sommes fier.e.s de nos élèves et de nos équipes de coordinateurs et nous sommes honorés du soutien sans faille de nos parrains - marraines.

Nous sommes également comblés par le formidable travail de nos responsables locaux : Karim NANA, Jean ZOUBGA, Abdoulaye ZOUBGA, Bernadette COMPAORE et Estelle ZOUBGA, plus qu'un job, c'est un engagement de chaque instant. Merci les ami.e.s.

En France, nos coordinatrices bénévoles passent énormément de temps à assurer un lien filleul-parrain régulier et sain. Sans elles, rien n'est possible. Merci infiniment.

2020 sera complexe, il ne faut pas s’en cacher. La situation au Burkina Faso implique d’anticiper en permanence pour garantir le meilleur suivi possible à l’ensemble des élèves et à leurs familles. Nous nous sommes organisés en conséquence pour cette année scolaire, l’idée est de renforcer plus encore notre écoute auprès des familles et de pouvoir réagir en fonction des problématiques et/ou des urgences. Cela a parfaitement fonctionné lors de ce premier trimestre. Nous continuerons donc ainsi pour la suite.

Les tensions au Burkina Faso impactent nos actions sur de nombreux points : contrôles supplémentaires, difficultés d’envoi des fonds, impossibilité de se rendre sur place facilement, peur d’une partie de la population, etc. Nous comprenons parfaitement et aménageons notre travail en conséquence, notre objectif reste le même : accompagner les familles pour garantir aux élèves parrainés un accès à l’école dans de bonnes conditions.
Nous y croyons dur comme fer, le pays ne s’effondrera pas tant que les écoles tourneront. Nous tiendrons bon, c’est notre modeste part dans ce combat contre l’obscurantisme.

C'est aussi grâce à vous.
Cher lecteur, chère lectrice, nous avons plus que jamais besoin de vous, rejoignez-nous en parrainant en enfant !

Bienvenue sous votre arbre et bonne lecture :-)

Anthony PATE

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Parenté à plaisanterie :  jouer la guerre pour ne pas la faire.

« Viens par ici, esclave, écoute ton maître ! ».

 Quel voyageur occidental n’a pas été interloqué en entendant ce genre de phrase lancé dans une situation (lui semblant) tout à fait inappropriée, tel qu’un contrôle routier où le chauffeur invectiverait ainsi le policier en exercice.

Une soixantaine de groupes ethniques, autant de langues, cohabitant sur un territoire correspondant à la moitié de la superficie de la France, le tout dans une entente tout à fait remarquable, puisqu’aucun conflit ethnique majeur ne vient entacher l’histoire récente du Burkina Faso.

L’un des ciments de cette société prend le nom de parenté à plaisanterie, rakiire en langue mooré. Cette pratique n’est pas spécifique au Burkina Faso, on la retrouve dans la majorité des pays Ouest-Africains, dont les ethnies sont de toute façon disséminées par-delà les frontières étatiques. 

Le chercheur M. Mauss évoque la parenté à plaisanterie comme une « alliance cathartique » ; il s’agit de porter un autre regard sur l’altérité : au lieu d’en faire une menace, on va chercher à apprivoiser l’autre par la plaisanterie, en tissant avec lui des liens basés sur l’humour. Le tout est précisément codifié, et l’individu se retrouve alors dilué dans le groupe. On évite ainsi toute « personnalisation » des invectives lancées à son parent à plaisanterie, qui les reçoit ainsi en tant que membre d’un groupe et non comme individu propre. 

On recense de nombreux types de parentés ou alliances à plaisanterie. Elles peuvent lier :

- les individus selon leur ethnie : Les Mossis plaisantent par exemple avec les Samos, ou les Bissas avec les Gourounssis.

- les individus selon leur patronyme : ainsi, les très nombreuses familles Ouedraogo du Burkina Faso sont par exemple les parentes à plaisanterie de familles Samo ; les Diarra plaisantent avec les Traoré, les Coulibaly avec les Ouattara, etc. 

D’autres types d’alliances à plaisanterie, notamment entre les groupes sociaux, entre membres d’une même famille (entre grand-père et petit-fils chez l’ethnie Djan) ou entre les régions/villes/villages. On se rapproche alors des rivalités entre villes ou villages qui peuvent exister en France ! 

Toutes ces alliances trouvent leur origine dans des mythes, ou dans des anecdotes du passé qui vont donner l’orientation des plaisanteries. Souvent, ces origines sont méconnues des différents locuteurs, mais la verve des invectives n’en est pas moins grande ! Ainsi, les Bobos vont plaisanter sur la prétendue fourberie des Peuls, tandis que ces derniers se moqueront d’une certaine tendance à consommer de l’alcool de leurs parents à plaisanterie… 

Cette construction sociale permet de réguler les tensions de manière préventive, de « jouer la guerre pour ne pas la faire », comme l’écrit Sory Camara. La parenté à plaisanterie est donc codifiée, et régie par certains interdits. Les plaisanteries peuvent aller loin (vol de cadavre lors d’enterrement…) mais il est par exemple fermement interdit de commettre l’adultère entre parents à plaisanterie, ou encore de faire saigner son parent.

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Parole d'élève
(Anonyme à la maison de Luc, élève de première)

La situation sécuritaire au Burkina Faso.

Depuis ces quatre dernières années, le Burkina Faso subit des attaques terroristes à répétition, plongeant ainsi le pays dans une insécurité inquiétante.
Quelles sont les conséquences du terrorisme sur le pays ? Quelles solutions pour venir à bout de ce fléau ?

Les conséquences du terrorisme sont légions.

D'abord, nous notons des pertes en vies humaines. Plusieurs civils et des militaires sont tués chaque jour.

De plus, on dénombre de nombreux déplacés internes. Ces pauvres personnes qui fuient la mort ont tout abandonné pour se retrouver dans des camps de fortune. Ils y vivent dans une promiscuité indescriptible.

Aussi, un autre volet très touché est celui de l'éducation. En effet, la fermeture des écoles dans le Sahel et les régions insécurisées occasionne une déscolarisation massive de milliers d'élèves. Ces derniers sont obligés de poursuivre leur cursus dans les zones stables, gonflant de ce fait les effectifs déjà pléthoriques dans les classes. Les enseignants qui reçoivent des menaces de mort et d'intimidation de la part des terroristes sont contraints de déserter.

Les centres de santé sont fermés ; les services sociaux de base sont inexistants dans certaines zones.

Par ailleurs, la situation économique du pays est en berne. Le secteur du tourisme fait face à des difficultés faute de touristes étrangers. Les partenaires techniques et financiers, les investisseurs sont inquiets.

Si rien n'est fait immédiatement, le pays sombrera dans le chaos.

Quelles perspectives ?

Tout d'abord, l'équipement des forces de défense et de sécurité avec du matériel sophistiqué est une priorité.

Il faudrait aussi promouvoir l'éducation au civisme, au patriotisme et à la citoyenneté.

L'Etat doit lutter efficacement contre le chômage des jeunes. La création d'un centre de déradicalisation est plus que nécessaire.

De plus, il faut renforcer les services de renseignements entre les trois pays qui sont dans l'oeil du cyclone (Burkina, Mali, Niger).

Aussi, l'implication de la population dans cette lutte est non négligeable.

La conjugaison de tous nos efforts individuels et collectifs permettra d'éradiquer le terrorisme. Vivement que la paix, la stabilité et la quiétude règnent de nouveau au Burkina Faso pour un avenir plus reluisant.

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Maternité au Burkina Faso 

Devenir mère… Une fabuleuse aventure n’importe où sur Terre. Qui implique à l’évidence certaines constantes, mais également de nombreuses variations, essentiellement au niveau de la culture qui entoure chaque maternité.

Nous vous présentons ici quelques éléments de la maternité au Burkina, essentiellement basés sur des témoignages. Aucune exhaustivité donc, la multiplicité des ethnies et les contrastes entre milieux sociaux sont deux facteurs parmi tant d’autres qui invitent à la plus grande prudence quant aux généralisations. 

L’élément peut-être le plus significatif est l’attention dont est entourée la nouvelle maman, tout particulièrement dans le cas d’une première grossesse. Après la naissance, tout sera mis en place pour que celle-ci ne se retrouve pas seule et démunie avec son bébé : les premières semaines peuvent par exemple se dérouler dans la belle-famille, où la mère et l’enfant seront entourés des soins de la belle-mère notamment. 

Une femme dont c’est la fonction exclusive s’occupe des premiers bains du bébé ; peu à peu, sur quelques semaines, elle montrera ensuite comment procéder à la mère de l’enfant. Dans le cas où la mère est trop épuisée suite à l’accouchement, cette femme pourra également aider la jeune mère à faire sa propre toilette. 

Des soins traditionnels entourent fréquemment la cicatrisation du nombril de l’enfant. Lorsque le reste du cordon ombilical tombe, une « vieille » (là encore, dont c’est la fonction), fait chauffer un morceau de canari, enduit son pouce de beurre de karité et le pose sur le morceau de poterie chauffé, avant de l’appliquer sur le nombril encore non cicatrisé du nourrisson. Cette pratique est destinée à aider à la cicatrisation. Le tesson de canari utilisé provient d’une poterie dans laquelle on avait fait bouillir des herbes ayant servis aux premiers bains de l’enfant. 

Le cordon ombilical et les premiers cheveux du bébé (dont la tête est souvent rasée au bout de quelques jours, notamment chez les Musulmans !) sont conservés par la famille pour éviter que d’autres ne s’en saisissent pour en faire un mauvais usage. Dans des milieux très traditionnels, le morceau de cordon ombilical restant peut être accroché par un guérisseur à une sorte de ceinture que l’on passe autour des reins du bébé. 

Très pragmatiquement, le cadeau d’usage suite à la naissance d’un enfant est le savon. Les piles de savons qui s’amoncellent chez les nouveaux parents permettent à ces derniers de mesurer l’ampleur de la tâche qui les attend ! 

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L'école, et après ?

Nous mettons une énergie folle à scolariser des enfants, à les accompagner vers un "avenir meilleur"... ...dans un pays où le taux de chômage avoisine 80% de la population.

Evidemment, avoir des diplômes ne permet pas d'avoir de travail rémunéré facilement, partout dans le monde. Cela est encore plus complexe au Burkina Faso.

La scolarisation débute par l'alphabétisation, cette dernière est fondamentale pour appréhender la vie. Après l’alphabétisation, l'approfondissement de notions, parfois très scolaires, permet d'accéder à une meilleure compréhension du monde et d'obtenir un statut social, quoiqu'il en soit, jamais négligeable.

Nous sommes assurément convaincus que la scolarisation du plus grand nombre reste l'un des plus grands facteurs de développement mais il nous faut malgré tout restés ancrés dans la réalité et garantir à nos élèves parrainés un travail épanouissant et rémunérateur.

Les élèves parrainés qui sont à l'université ont besoin de travail et nous en sommes conscients. Certain.e.s parviennent à décrocher des concours de la fonction publique, d'autres se voient embaucher dans des sociétés privées plus ou moins importantes, c'est parfait.
Il nous faut cependant renforcer et anticiper l'avenir. Pour ce faire, nous sommes actuellement en pleine réflexion sur la manière de donner le plus de sens possible aux études, nous allons sans doute faire appel à des conseillers d'orientation et former les étudiants sur la rédaction de CV et de lettres de motivation, à les sensibiliser aux nouvelles méthodes pour être plus visibles sur les marchés, à les former à l'entrepreneuriat, etc. Les efforts et les longues années d'études doivent payer. Les filières d'apprentissage doivent également prendre tout leur sens.

Un recrutement est envisagé durant l'année 2020, ce conseiller ou cette conseillère devra accompagner le plus possible les élèves pour leur permettre des valoriser les acquis et leurs études.

En route vers l'avenir.

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"Une rencontre" avec Simon Winsé, musicien burkinabé.

Terre Burkina : Bonjour Simon, que représente la musique pour toi ?

Simon Winsé : Pour moi la musique représente l’amour, le fait de réunir les gens, le partage… Et puis aussi, en Afrique de l’Ouest et notamment au Burkina, la musique nous donne beaucoup d’énergie : l’énergie de cultiver, de sourire, de garder une dignité. C’est ce que je dis aux enfants ici [en France], souvent au Burkina la musique est aussi simplement une affaire de jeu pour les enfants, qui par exemple n’ont pas de toboggan ou autre, alors ils font de la musique « naturelle », et naturellement. 

Terre Burkina : A Ouagadougou, il y a une richesse musicale énorme. Qu’est-ce qui actuellement empêche un jeune artiste burkinabé de « percer » et de se faire une place ?

Simon Winsé : Je pense que les difficultés viennent de la musique que nous faisons, car il y a tellement de rythmes différents, chez les Bobos, les Samos, les Dagaris, les Mossis… Nous avons une soixantaine de langues différentes ! La langue Moré est majoritaire à Ouaga, à Bobo c’est le Dioula. Souvent il est difficile pour les artistes de s’imposer car on a tendance à confondre la musique nationale avec la musique internationale. Les gens ont envie de comprendre la langue, alors que ce n’est pas la langue qui fait la musique. On aime bien les thèmes comme l’amour, la trahison, etc. Pourtant des fois la tonalité du chanteur est fausse ! Parfois il y a de la très belle musique mais avec des langues moins parlées, et du coup cette musique va un peu se perdre dans le commerce. En tout cas pour un musicien, ce qui est sûr c’est qu’il faut toujours travailler, faire des rencontres, et essayer de dépasser un peu toutes ces barrières locales. 

Terre Burkina : Et toi personnellement, qu’est-ce qui t’a permis de réussir dans la profession ? 

Simon Winsé : On ne peut pas vraiment dire que j’ai réussi [rires], il faut toujours continuer à travailler !

Terre Burkina : Quel conseil donnerais-tu à un jeune à Ouaga ? 

Simon Winsé : Je crois qu’il faut juste vraiment aimer les instruments, aimer jouer… C’est comme quand on est amoureux, ça peut marcher si on aime vraiment, si on est passionné. Il n’y a pas de secret. Ce n’est pas un concours, ce n’est pas une course, il faut juste aimer ce qu’on fait. Aujourd’hui quand on me parle des « grands musiciens », je me dis que finalement ce ne sont pas ceux qui sont connus. En réalité les « grands musiciens » sont au village, ce sont ceux qui jouent pendant les récoltes. La joie et le plaisir qu’ils dégagent, c’est ça pour moi le meilleur de la musique.  Mais c’est vrai que la musique se travaille, et qu’il faut avoir un peu de chance, de faire des rencontres, par exemple de musiciens d’autres styles, des musiciens de blues, de jazz… Il ne faut jamais s’arrêter. 

Terre Burkina : En sortant un peu du monde de la musique, peux-tu me dire quelle image tu as en ce moment de ton pays ? Qu’est-ce que tu aimerais pour ton pays ? 

Simon Winsé : Le Burkina Faso est en ce moment frappé par le terrorisme et je crois que c’est la première fois que ce genre de choses se produit. « Burkina Faso » veut dire « Pays des hommes intègres, des femmes intègres ». C’est un pays pauvre, mais riche en humanité. Moi je ne suis pas spécialiste de tout ça, mais la proximité avec le Mali, les histoires avec Kadhafi… Tout cela a chamboulé beaucoup de choses au pays. Je crois qu’il faut rester unis pour combattre le terrorisme. Etre vigilant mais rester confiant, tout ça va passer. Parce que ce pays là ne mérite pas ça. Il faut trouver des solutions et ne pas avoir peur. Comme on dit chez nous « Un peuple qui a peur est capable du pire ». 

Terre Burkina : Si tu avais une baguette magique et que tu pouvais changer une chose, qu’est-ce que ce serait ? 

Simon Winsé : Je crois que je changerais le regard des gens sur les autres. Qu’il y ait plus d’amour, plus de paix, plus d’humanité.