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Sommaire :

- La lettre de Terre Burkina
- Le dolo
- Parole d'élève
- Inscription au lycée : illustration par l'exemple.
- Portes Ouvertes Terre Burkina et venue de Karim NANA
- Une rencontre



C'est les vacances !

En France ou au Burkina, c'est les vacances. Certains élèves attendent encore leurs résultats scolaires mais la plupart sait désormais à quoi s'attendre : passage, redoublement, examen en poche,... Malgré tout, ce n'est pas encore totalement fini : il faut d’ores et déjà gérer les inscriptions pour la rentrée prochaine. Au Burkina, "obtenir une place" relève parfois du parcours du combattant, il faut avoir des résultats corrects, pouvoir s'affranchir du versement de la première tranche des frais de scolarité (qui représente souvent 75% du total) et pouvoir choisir un établissement pas trop éloigné du logement et avec des effectifs corrects par classe. Ces paramètres réunis et l'inscription validée, les vacances débuteront réellement.
Nous assistons - ou réalisons à leur place - la recherche et l'inscription pour l'ensemble des élèves parrainés (Cf article à ce sujet)

L'hivernage débute, les premières pluies sont là, timides par endroit ou provoquant d’énormes inondations à d'autres. La saison des pluies est le coup d'envoi des travaux champêtres, il faudra se rendre aux champs quotidiennement pour produire les céréales, les arachides et les quelques légumes qui permettront de se nourrir durant l'année. Les élèves n'y coupent pas et c'est souvent la principale activité de ces vacances, au final, peu reposantes. Nous poursuivons les parrainages pendant les vacances, quelques adaptations mais aucune interruption, nous soutenons les élèves pour qu'ils puissent se reposer au mieux et aborder la rentrée avec sérénité.

Même s'ils ne nous sont pas tous parvenus au moment d'écrire de ces lignes, les résultats scolaires des élèves parrainés sont plutôt très bons et dans tous les cas en forte augmentation, nous en sommes fiers. Félicitations aux élèves pour le travail, grand merci aux parrains-marraines pour leur soutien et bravo à toutes les équipes engagées. Zoom particulier sur La Maison de Luc : 14 réussites sur 16, 6 bachelières, 8 passages en classes supérieures et 2 redoublements.
C'est donc avec une grande détermination que nous poursuivons les travaux pour l'ouverture de la deuxième Maison de Luc en octobre prochain.

Dans ce numéro, nous goûterons au plaisir du dolo juste avant d'écouter Salimata Nikiema, (élève en première année d'université à Koudougou et résidente à la Maison de Luc) dans notre rubrique libre "Parole d'élève". Nous retracerons l'exemple véritable d'une jeune lycéenne s'inscrivant au lycée en première à Koudougou. Puis nous reviendrons sur les portes ouvertes Terre Burkina avant de se faire plaisir en lisant l'interview de Madame M, marraine depuis 10 ans. Elle n'a dit que du bien de nous et ça fait chaud au cœur.

Les feuilles frémissent sous la brise légère et malgré le soleil puissant, l'endroit est frais et ombragé, bienvenue sous votre Arbre à Palabre :-)

Bonne lecture.

Anthony PATE

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Le dolo

Il fait chaud, une bière bien fraîche ? Non, du dolo !
Le dolo (ou tchapalo dans le sud du pays) est la bière traditionnelle d'Afrique de l'Ouest en général et du Burkina Faso en particulier. Il est fabriqué à partir de mil (principalement sorgho rouge) mais certains peuvent y ajouter du maïs, des feuilles, du manioc, du piment, des arômes... C'est une bière au sens propre et "noble" du terme car il est issu de la fermentation de céréales. Les saveurs du dolo sont riches, on en trouve autant de variétés que de producteurs ; la qualité du grain, la manière de le faire germer, les temps et les températures de cuisson, etc. de nombreux paramètres le rendent unique. Malheureusement difficilement exportable, ce serait malgré tout une erreur de dénigrer cette savoureuse boisson. Elle mérite amplement d'être comparée aux bières ou aux vins et, finalement, faire le tour des doloteries revient largement à faire le tour des maisons de rhums ou des caves à vins ; la richesse des arômes, la texture, la longueur en bouche, l'odeur subtile,... il y en a pour tous les goûts. Le tout, bien sûr, à consommer avec modération ! Le degré alcoolique moyen est compris entre 4% et 6%.

Le dolo est fabriqué par les femmes, les dolotières. En voici la préparation schématique : (la préparation du dolo est un art qui ne saurait être réduit dans ce modeste article !) il faut d'abord faire germer le mil à l'air libre avant de le faire cuire dans de l'eau, à plusieurs reprises, à différentes températures et avec des temps de cuisson et de refroidissement variables. Cet ensemble est ensuite filtré dans des grands paniers de paille. Y est ajouté ensuite la levure qui permettra la fermentation durant une nuit environ.
Consommé tôt le matin le dolo est peu fermenté et quasiment vierge d'alcool, ce taux ne cessera d'augmenter durant la journée, il vous reste à choisir le moment de la dégustation. Le lendemain il sera déjà trop tard, il sera beaucoup trop fort, d'où les problèmes de conservation et d'exportation.

Cette bière est souvent consommée dans des débits de boissons appelés "cabarets", lieux de rencontres et de vie où la musique se joint souvent à la boisson. Il est servi dans des calebasses (ou gobelets en plastique désormais). Différentes coutumes ou "manières" de boire s'appliquent en fonction de l'endroit, il est impossible de les résumer, le mieux est souvent de fonctionner par mimétisme. Ce mimétisme s'appliquera aussi aux burkinabè voyageant dans leur pays et s'arrêtant dans un cabaret loin de chez eux. Il faut parfois verser un peu de dolo sur le sol (part des ancêtres), faire circuler sa calebasse à tout le monde, ne pas être surpris de voir la dolotière boire une gorgée dans son verre avant soi, se rincer la bouche et cracher la première gorgée, etc.
Les rituels divers et variés liés à l'animisme mettent souvent en jeu le dolo. Il est offert aux ancêtres, confiés aux fétiches.

On dit que cette boisson, déclinée dans des centaines de versions en Afrique est aussi vieille que l'Homme, pourvu que cela dure !

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"Ah ! Les enfants d’aujourd’hui", parole libre de Salimata NIKIEMA, élève parrainée de la Maison de Luc

Les bonnes mœurs sont en dépravation. L’amour de son prochain n’est plus à la page. Le sentiment humanitaire, qui consiste à assister autrui, perd de plus en plus sa valeur. Où va la société ? 

Un jour, un instituteur a ouvert une parenthèse avec ses élèves. Il voulait leur montrer comment faire pour réussir dans la vie. Très inspiré, il prit un exemple de son passé, comment il a surmonté les épreuves pour devenir ce qu’il est aujourd’hui. Il termine par ces mots « Chers élèves, malgré tout cela, je suis arrivé. »

Après ces mille mots, un élève nommé Domi se leva et rétorqua : « Monsieur, si le stade où vous en êtes est la réussite, que Dieu fasse que je n’y arrive pas. ». Domi venait à l’école avec un engin plus confortable que son instituteur. Il avait tout ce dont il avait besoin car ses parents étaient nantis. Est-ce pour autant qu’il devait se comporter ainsi avec son instituteur ? Il a oublié la déférence qu’il devait à son instituteur. Dans la vie, avoir de l’argent, c’est réussir ? La réussite n’est pas forcément synonyme de fortune. 

La société doit se baser sur une bonne instruction. Eduquer un enfant, ce n’est pas seulement l’habiller et le nourrir comme il faut. Ce n’est pas juste l’envoyer à l’école. C’est plutôt avoir un temps pour l’enfant. De loin, on peut avoir trois sortes d’éducateurs : les parents, l’école, la société. Le primordial, c’est les parents, car au niveau de la société on doit faire des choix. Instruis l’enfant donc ; une fois grand, il ne s’en détournera pas. 

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Inscription au lycée : illustration par l'exemple.

Awa passe en classe supérieure, elle était en seconde à Koudougou, dans un établissement dont nous tairons le nom. Devant les difficultés du secteur public, beaucoup d'entrepreneurs se lancent dans la construction et la gestion de lycées privés. Si la gestion est convenable et les enseignants de qualité (et rémunérés en conséquence) alors tout ira bien. Dans le cas contraire, l'absence des enseignants en attente de salaires, les effectifs pléthoriques et la catastrophique gestion administrative mettront en péril la scolarité de nombreux élèves. C'est de l'un de ces établissements dont on parle, Awa y a passé et réussi son année de seconde grâce à une force de travail hors norme.

C'est l'été, elle est retournée en famille, dans un village à 50 km de son lycée, sans eau ni électricité, elle y aide sa Maman dans les tâches quotidiennes. Mais bientôt il faudra retourner en ville pour s'inscrire au lycée, marcher les 8 km qui séparent le foyer du "goudron", attendre et prendre le car qui la déposera en ville... à 5 km de son lycée. Awa est prioritaire sur cet établissement, elle y était en seconde et est passée en première avec une bonne moyenne. Pour les autres, c'est encore une autre histoire. Elle est dans la file d'attente, il fait chaud, cela dure de très longues heures. Il ne reste plus que quelques élèves devant elle quand l'intendant censé la recevoir s'en va, il est temps pour lui de faire une pause, il est là depuis 7h00 du matin. Awa devra repasser vers 15h cet après-midi.
Elle est partie manger un beignet en attendant, elle l'a acheté à l'une de ses amies pour qui c'est le job d'été. Elle est de retour à l'établissement à 15h00 et c'est son tour vers 16h30. L'intendant lui demande le dossier, elle lui remet le tout, c'est complet, Awa est sérieuse. Pour ceux qui le sont moins, les dossiers sont souvent rejetés et il faut repasser un autre jour. C'est le moment de payer la première tranche, 50.000 FCFA (73 € environ), Awa ne s'attendait pas à cela, à la fin de l'année dernière on lui avait dit 32.500 FCFA, elle n'a pas plus. Elle a déjà beaucoup galéré à réunir ce montant. L'intendant comprend, il la met sur liste d'attente. Elle repart avec un car, le car s'arrête et elle descend, il fait nuit noire. Elle marchera les 8 km qui la séparent de son foyer, demain c'est jour de marché, il faudra y être à 6h00 pour vendre avec sa Maman.

Ceci n'est pas un exemple fictif, Awa aura effectué au final cinq allers-retours pour s'inscrire et obtenir tous les reçus, fournitures scolaires et tenues (genre d'uniforme). Devant tant de démarches et de difficultés, un oncle a proposé au Papa d'Awa de la déscolariser pour l’emmener travailler en Côte d'Ivoire. Awa a tenu bon et s'est battue pendant trois semaines, elle ira à l'école, beaucoup n'auront pas cette chance.

Il ne s'agit pas de dire du mal des familles, les parents dans ces villages éloignés sont peu informés, voient peu ou mal l’intérêt de l'école, ils protègent leurs enfants à leur manière.
Il ne s'agit pas non plus de dire du mal des établissements, la situation est complexe, les finances basses et le secteur public ne parvient pas à jouer son rôle, tout est compliqué. Le tableau n'est pas tout rose mais les gens s'accrochent et sont globalement solidaires. Cela se passe même très bien dans certains établissements. Mais globalement, les inscriptions restent un parcours du combattant.
On y arrive, il faut connaître les ficelles et, parfois, les gens aussi. Avec Terre Burkina, nous assistons ou réalisons ces démarches pour tous les élèves.

Depuis, Awa a obtenu son bac et un concours de contrôleuse des finances publiques. Elle est en poste dans une grande ville et accompagne sa famille au village dans les moments difficiles.

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Portes-ouvertes Terre Burkina

Le 24 mai 2019 à la MJC Pichon de Nancy se sont déroulées les Portes-Ouvertes de l'association, première édition du genre.
Nous avons pu, en toute transparence, exposer le fonctionnement le l'association, les différents rôles de chacun en France et au Burkina, le fonctionnement détaillé des parrainages, répondre aux questions, etc.
L'occasion pour l'assemblée présente, composée principalement de parrains-marraines, de nous connaitre encore davantage.
Terre Burkina se développe mais la relation avec les parrains-marraines est toujours au centre des attentions, "Fasoma" en est la preuve, ces portes-ouvertes aussi.

L'événement phare de la soirée, c'était la présence de Karim NANA, le responsable local au Burkina Faso. Karim a pu préciser ses fonctions et les détails de terrain qui font que nos parrainages sont très personnalisés. Ces petits détails du quotidien qui rendent les choses complexes, ces points à ne surtout pas négliger, ces éléments qui nous rendent précis et pertinents dans l'accompagnement des élèves. La présence de Karim a été un élément fort, parrainer un enfant c'est un acte concret sur le terrain, c'est une mobilisation de chaque instant pour le bien-être de l'enfant et sa réussite scolaire et sociale. Karim en est témoin quotidiennement et a su brillamment le transmettre à nos soutiens en France.

Karim c'est aussi et surtout un ami de très longue date qui anime notre réseau local composé bientôt de 3 coordinateurs, 2 intendantes et 1 comptable.
Terre Burkina c'est avant tout une famille unie en France et au Burkina Faso.

Nous referons ses portes-ouvertes l'an prochain avec le plus grand des plaisirs.

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"Une rencontre" avec Madame M., Marraine Terre Burkina depuis 10 ans.

Terre Burkina : Bonjour Madame et bon anniversaire ! Vous parrainez une jeune fille depuis 10 ans ?
Mme M : Elle n'est plus si jeune que cela, elle vient d'avoir 18 ans. Elle passe le bac l'an prochain.

Terre Burkina : En effet, et vous sentez une différence depuis ces 10 années ?
Mme M : Pas vraiment elle m'écrit toujours à peu près 4 fois par an, c'est toujours très touchant. Enfin si, je vois la différence, avant j'avais des dessins de fleurs et maintenant j'ai des lettres où elle me parle de politique (rires). Je ne sais même pas quoi lui répondre !

Terre Burkina : 4 fois par an, c'est une belle correspondance.
Mme M : Oh la pauvre, si je répondais plus vite il y en aurait beaucoup plus. Plus sérieusement, c'est difficile de se rendre compte à distance, elle semble travailleuse et les notes sont juste au-dessus de la moyenne j'espère que suffira pour le bac.

Terre Burkina : On croise les doigts. Elle est à la Maison de Luc, ca devrait bien se passer.
Plus généralement, qu'est-ce qui vous a motivé pour vous lancer dans ce parrainage ?
Mme M : (Réflexion) Je ne sais comment dire. C'est "facile", vous permettez finalement d'agir concrètement et, oui, facilement. C'est un don, moi je verse 30€ par mois - avant je versais 90 € chaque trimestre - et derrière, ça avance, ça bouge. On voit l'utilisation concrètement, on sait que l'argent va bien où il doit aller, c'est rassurant, c'est facile. J'ai le droit de dire que je me sens "mieux" ?

Terre Burkina : Vous avez tous les droits.
Mme M : Alors voilà, je me sens mieux, j'ai l'impression d'agir à mon échelle. Même si ça ne fait pas tout et qu'il y a mille autres combats.

Terre Burkina : Quelle image avez-vous du pays ?
Mme M : On a tous une image déformée j'imagine. J'ai croisé plusieurs personnes qui y sont déjà allées, les versions sont toujours différentes. J'ai les lettres de ma filleule aussi, même si j'imagine que les mots sont édulcorés et qu'on ne dit pas tout à sa marraine. J'ai une image... d'espoir. C'est difficile mais j'y crois. Ça semble apaisé et posé. Je ne parle pas de la situation actuelle, là, c'est autre chose. Je parle de l’ambition de ma filleule, de toutes ces énergies déployées par ces gens travailleurs, de l'action des ONG comme la vôtre... Un bon coup de politique là-dessus, et oui, j'y crois.

Terre Burkina : Si vous pouviez changer une chose ?
Mme M : J'aimerais aider plus, c'est perturbant tout ça et c'est perturbant comme question. Ma filleule, c'est une belle aide et elle va s'en sortir mais j'ai souvent peur de ne pas en faire assez. Et puis j'aimerais changer la situation de son pays, je la sentirais plus en sécurité et puis, égoïstement, j'aimerais aller la saluer cette petite mais c'est pas le moment de faire du tourisme je crois.

Terre Burkina : Elle n'est plus petite c'est vous qui me l'avez dit ! Tout va bien se passer.
Merci infiniment pour votre soutien.
Mme M : Merci à vous surtout, vous êtes une belle équipe.